Concours INALCO de la nouvelle plurilingue

Peu d’écrivains poussent l’écriture plurilingue aussi loin que James Joyce, célèbre pour son sibyllin Finnegans Wake (1939), ou que Valery Larbaud dans son poème « La Neige » ; mais certains laissent leurs langues et celles du monde traverser leurs textes, comme Patrick Chamoiseau (Chemin-d’école, 1994) ! Et pourtant cette fluidité entre les langues est forte d’une immense potentialité, certes poétique, mais aussi narrative, qui va bien au-delà du simple exotisme.

« Le monde se créolise, c’est-à-dire que les cultures du monde mises en contact de manière foudroyante et absolument consciente aujourd’hui les unes avec les autres se changent en s’échangeant à travers des heurts irrémissibles, des guerres sans pitié mais aussi des avancées de conscience et d’espoir »
(Introduction à une poétique du divers, Édouard Glissant).

Un ano màs und iam eccoti mit uns again
Pauvre et petit on the graves dos nossos amados édredo
E pure pionsly tapàudolos in their sleep
Dal pallio glorios das virgens und infants.
(La neige, Valery Larbaud)

Comment donner à lire ce dialogue des langues – qui est aussi celui de la vie quotidienne dans notre quotidien globalisé – dans un texte littéraire ? C’est cette tension entre le français et les autres langues, celles qui lui sont aux antipodes (telles que les langues orientales, africaines, océaniennes enseignées à l’Inalco) comme les plus proches, mais aussi entre le français dit « standard » ou « de référence » et ses variétés sociales et géographiques (verlan, joual, langues créoles, nouchi, marseillais, etc.) que nous vous proposons d’explorer dans le Concours Inalco de la nouvelle plurilingue.

Ce concours impose la contrainte linguistique suivante : employer au moins une autre langue ou variété du français en plus du français dit « standard ».

En raison de son ouverture au monde (plus d’une centaine de langues y sont enseignées, dont de nombreuses langues dites « rares » et minorées), aucun lieu ne se prête mieux que l’Inalco à accueillir un tel concours. L’inscription du concours dans le cadre du programme Langues en dialogue de l’OIF, promoteur d’une francophonie multilingue, conforte cette ouverture linguistique aux espaces francophones, où le français se décline sous des formes très variées, trop souvent invisibilisées. C’est donc aussi ce plurilinguisme interne aux langues, langues dont le caractère homogène n’est que factice, et ce bruissement de la langue dans l’espace francophone et numérique que ce concours veut promouvoir à travers vos écrits, en particulier pour le français, dont le singulier masque la diversité.

Le concours 2024 (4e édition) est ouvert : participez avant le  18 mars 2024

2024

Langues ANIMALES

© Service communication, Inalco

Deux options pour concourir

Nouvelle plurilingue

Libre à vous de traiter le thème imposé selon votre inspiration, en respectant bien la contrainte linguistique :
nouvelle écrite en français mais faisant intervenir au moins une autre langue ou variété que le français standard.

Des textes pourront être admis même s’ils ne répondent pas exactement aux canons traditionnels de la nouvelle (peu de personnages, chute, etc.) à condition qu’ils conservent une dimension narrative.

 Une seule catégorie : étudiant (sans limite d’âge).

Ces nouvelles doivent être individuelles.

Écriture NUMÉRIQUE PLURILINGUE

Le Prix spécial InCIAM « Écriture numérique » est réservé aux œuvres plurilingues numériques, jouant de la multimodalité qu’offrent les supports technologiques pour écrire entre les langues mais aussi les donner à voir, les faire entendre, les prolonger dans cet espace numérique.

Ces œuvres peuvent être réalisées collectivement.

 Une seule catégorie : étudiant (sans limite d’âge).

Définition de la littérature numérique, selon Philippe Bootz :

« toute forme narrative ou poétique qui utilise le dispositif informatique comme médium et met en œuvre une ou plusieurs propriétés spécifiques à ce médium ».

Les marraines

Elitza Gueorguieva

Née à Sofia, Bulgarie, Elitza Gueorguieva vit et travaille en France depuis 2000 où elle se consacre à des projets de cinéma, d’écriture et de performances.

Elle a publié un roman intitulé « Les cosmonautes ne font que passer » aux éditions Verticales en 2016, prix André Dubreuil du premier roman de la Société des gens de lettres et plusieurs textes (AOC, Le magazine littéraire, Les carnets de l’IMEC etc.) et une longue nouvelle dans « Le livre des places » aux éditions Inculte. Son deuxième roman paraîtra aux éditions Verticales en janvier 2024.

Elle a réalisé plusieurs films documentaires dont « Chaque mur est une porte » primé au Cinéma du réel 2017 et « Notre endroit silencieux » diffusé au festival Visions du réel 2021 et primé à Sofia International Film Festival et l’Union des cinéastes bulgares. Elle réalise des performances pour différents lieux scéniques tels que le festival Actoral à Marseille, Hors Pistes, Hors-Limites et Extra ! au Centre Pompidou.

« Tu te trompes souvent. Tu remplaces très par grave dans une phrase au registre soutenu et tu dis bien à toi à tes voisins de palier. Des faux-amis rendent ton vocabulaire imprécis, ou impressionnant selon les situations. Tu dis, par exemple, oblique pour dire rond, parce qu’en bulgare on dit obal qui a sans doute une origine commune avec ovale, supputes-tu, trouvant confortable le refuge de l’étymologie. Ainsi des lunes et des gens obliques peuplent tes phrases, ce qui étonne beaucoup ton entourage et te vaut une réputation de personne étrange. À la place de récépissé tu comprends laissez-pisser, et tu confonds toujours radié et irradié et sentier et sentinelle. Tu as aussi entendu le mot nonchalamment que tu confonds parfois, souvent, et surtout quand tu as faim, avec le mot chamalow. Parfois tu te demandes s’il faut réellement te mettre à casser du sucre sur le dos du voisin. Bref, tu confonds rituel et expression, mœurs et second degré. Tu es littérale et hésitante, alors que dans ton pays tes blagues avaient de la gueule. Parfois tu fais exprès, c’est la seule manière que tu as trouvé d’être drôle. Quand tes erreurs sont volontaires, ça te donne un sentiment d’égalité, vous pouvez ensemble et au même titre, vous foutre grave de ta gueule bien à toi. »

Extrait de la  mer curieuse

Alexandra SAEMMER

Alexandra Saemmer est chercheuse, autrice de littérature numérique et éditrice d’ouvrages consacrés à la littérature numérique, aux médias en ligne, aux séries télévisées et à l’éducation critique aux médias. Elle est professeure en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis.
Elle inscrit ses travaux dans la filiation de la sémiotique pragmatique et la techno-sémiotique. Alexandra Saemmer co-dirige le CEMTI (Centre d’études sur les médias, les technologies et l’internationalisation), la revue internationale de communication MEI (Médiation et information) et la revue bilingue français-anglais HYBRID qu’elle a fondée.

Les organisateurs

Ce concours est soutenu par l’Inalco (Institut des langues et civilisations orientales), dit Langues’O, établissement public d’enseignement supérieur parisien créé en 1795, qui forme à une centaine de langues et de cultures.

Le recueil est publié par les éditions Tangentielles

Prix Écriture numérique soutenu par l’InCIAM, Institut de la Créativité d’Aix-Marseille Université.

Les partenaires

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